La Raison Pure et les Antinomies
Essai critique sur la philosophie kantienne

François Evellin


Faut-il céder à Kant ? Confronté aux antinomies de la raison pure qu'il nous assène, on est inexorablement tenté d'admettre la défaite de la métaphysique. La raison s'oppose à elle-même, inextricablement. La saisie de l'Être nous serait constitutionnellement barrée...

François Evellin ne s'est pas laissé impressionné. Il n'a pas cédé à l'angoisse que devait susciter une raison en contradiction avec elle-même. Son démontage des antinomies procède par analyses limpides, formulées dans une langue magnifique. Il débusque les sophismes dissimulés dans la formulation des antinomies kantiennes. La lumière qu'il y porte en dissipe l'illusion. Il les révèle comme faux problèmes.

Cette évaporation du mirage à partir duquel se déployait le criticisme avait profondément marqué les lecteurs contemporains de François Evellin. On comprendra en le lisant l'influence libératrice qu'il eut notamment sur la pensée d'Henri Bergson.

On sait les effets délétères qu'eut le criticisme dans la longue durée philosophique — du scepticisme épistémologique à la prétendue mort de la métaphysique, de la complaisance phénoménologique dans les apparences aux sophistiques déconstructives : le naufrage dans le rien.

François Evellin nous invite à nous réapproprier une orientation résolument métaphysique. Refuserons-nous de nous mettre à nouveau à l'écoute des harmonies analogiques de l'Être ?

La Raison Pure et les Antinomies

Parution : 04/01/2023

343 pages

21.59x13.97 cm

ISBN 978-2-38366-023-1

16 €

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Extraits

Introduction

Le problème que nous nous posons ici n'est rien moins que celui de savoir si la raison pure n'est pas une fonction de l'esprit divisée en elle-même et vouée sans espérance à la contradiction et à l'erreur.

On peut le craindre, car la spéculation philosophique a été et est encore le champ de bataille des systèmes. Tous s'y sont rencontrés à leur heure sans qu'aucun ait réussi à s'imposer longtemps et à prévaloir.

D'ailleurs l'antinomie existe ; c'est sans doute que, hors du sensible, la pensée est impuissante ; livrée à elle-même, elle ne peut qu'osciller entre le « pour » et le « contre », le « oui » et le « non ».

Pourtant, en dépit de ces subtils penseurs, la cause de la pensée pure ne nous paraissait pas perdue encore ; nous ne pouvions nous résigner à croire que le monde sensible fût devenu, grâce à la science, un monde d'ordre et de lumière, alors que le monde rationnel semblait condamné à demeurer pour toujours celui des obscurités et du doute.

Conclusion générale

Mesurons du regard l'espace parcouru. Nous sommes partis d'un monde livré à la contradiction et à l'anarchie, et voilà qu'après de scrupuleuses analyses les oppositions s'effacent, les idées se rapprochent et se concilient.

Que signifient, tout d'abord, ces quatre thèses opposées, dans l'antinomie, à des antithèses de nombre égal ? Est-ce un acte purement arbitraire de la pensée qui les sépare à la fois et les unit ? N'en croyons rien.

Le réel, voilà, dans la pensée humaine, le pôle positif, parce que c'est de ce point de vue que la raison veut que nous considérions les choses pour en saisir l'enchaînement et les comprendre. Au pôle opposé, il faut placer le sensible qui, groupant autour de lui les conceptions de l'entendement imaginatif, implique continuité, nécessité, relativité.

Il n'y a donc eu, si cette analyse est exacte, il n'y a, et il n'y aura jamais qu'une antinomie, celle qui, dans la nature comme dans la pensée, au dehors comme au dedans, met le réel et le sensible en perpétuelle concomitance et aussi en perpétuelle opposition.

À propos de l'auteur

François Evellin (1835-1910) fut l'un des plus pénétrants critiques de Kant en France. Normalien, agrégé de philosophie, professeur dans les lycées les plus prestigieux de France avant de devenir inspecteur général de l'Instruction publique, il consacra vingt-cinq ans de sa vie à démanteler méthodiquement les antinomies kantiennes. Élu à l'Académie des sciences morales et politiques en 1908, il exerça une influence décisive sur toute une génération de philosophes, au premier rang desquels Henri Bergson.

Ses deux ouvrages majeurs, Infini et quantité (1880) et La raison pure et les antinomies (1907), procèdent d'une même conviction : là où Kant voit des contradictions insolubles, Evellin débusque des sophismes. Sa thèse centrale renverse le criticisme kantien : l'infini ne prime pas le fini, le composé ne prime pas le simple, la nécessité ne prime pas la spontanéité. C'est au contraire le réel — fini, simple, actif — qui explique le sensible, et non l'inverse. Cette subordination de la science à la métaphysique lui permit de refonder une philosophie résolument réaliste.

Dans une langue d'une clarté rare et d'une beauté classique, Evellin rend à la raison pure sa dignité. Il refuse le scepticisme épistémologique qui, de Kant aux phénoménologies, conduisit au naufrage de la métaphysique. Son œuvre demeure l'un des sommets de la philosophie française du tournant du siècle, injustement oubliée.